Francesca Woodman, photographie et mélancolie

Publié le 13 Avril 2015

Francesca Woodman, photographie et mélancolie

"L'image photographique est toujours un lieu mélancolique contenant quelque chose qui est déjà mort" Barthes , La Chambre claire

Francesca Woodman est née en 1958. Elle n'a que treize ans quand elle commence ses premières photos, et elle ne s'arrêtera plus de s'exercer au huitième art jusqu'à sa mort .

L'artiste se met elle-même en scène, et fait de son propre corps un véritable terrain d'expérimentation confinant dans certains de ses travaux au masochisme (en se pinçant tout le corps avec des pinces à linge par exemple) Le fait de se prendre elle-même en photo est un acte subversif : la femme est très souvent en effet le sujet qui est photographié, et c'est un homme qui tient l'appareil.

Le corps de Woodman, sa fragilité, s'oppose au milieu physique qui l'entoure (murs nus, objets divers, tombes ...) et à sa stabilité (alors que le corps de l'artiste est en mouvement). Les poses distordues qu'adopte l'artiste rappellent à la fois les toiles de Francis Bacon, mais aussi André Breton et la définition de la "beauté convulsive" qu'il donne dans L'Amour fou: "Il ne peut selon moi y avoir de beauté-beauté convulsive-qu'au prix de l'affirmation du rapport réciproque qui lie l'objet considéré dans son mouvement et son repos" (l'artiste a fortement été impressionné et influencé par le travail des Surréalistes). Woodman, lors d'un voyage en Italie a, dans la librairie/galerie d'arts romaine où elle a exposé, « Maldoror », été interpellée par des ouvrages médicaux du XIXe siècle, présentant des photographies de suicides, et également par le livre de Charcot : Les Démoniaques dans l'art .

Francesca Woodman se photographie très souvent dans son appartement de Providence situé dans un bâtiment industriel. Il y a très peu de meubles, les murs sont délabrés. Dans beaucoup de ses photographies la maison semble avaler l'artiste. Cet intérieur menaçant est à lire à travers une autre influence majeure de l'artiste : le néo-gothique. Les thèmes récurrents de ce mouvement littéraire et artistique sont ceux de la violation psychique de l'individu, de la mort et de la décadence (dont les ruines sont le symbole privilégié). Dans les années 1960-1970, les romans gothiques connaissent un regain d'intérêt aux Etats-Unis, notamment dans les sphères féministes. La nouvelle de Charlotte Gilman, publiée en 1892 et re-publiée en 1972 par Feminist Press, qui raconte la lente descente vers la folie d'une femme au foyer qui se voit emprisonnée dans son papier-peint et qu'à lue Woodman, est le symbole de l'enfer psychologique que symbolise la maison (qui est un espace de réclusion qui "avale" la femme) .

Le travail de Woodman est marqué par l'évanescence (son corps semble se dérober, s'échapper à chaque instant), par la temporalité et par une certaine urgence (elle n'avait souvent besoin que d'une seule minute pour saisir la bonne prise) . Aux prises avec son hypersensibilité et un certain mal-être, dont ne cesse de témoigner son oeuvre, elle se suicidera le 19 janvier 1981, à l'âge de 22 ans .

Sofia Louis

Rédigé par Maladiesthetiques

Publié dans #Dossier Iconographie Mélancolie

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article